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Conflit social au cœur des lucratifs laboratoires Cerballiance

SOCIAL. Malgré 5 millions d'euros de bénéfices ces deux dernières années et 20 millions d'euros de dividendes reversés à ses actionnaires en 2021, Cerballiance ne propose pas plus de 3 % d'augmentation à ses salariés qui, eux, en demandent 5.


Auteur de l'article : Conflit social au cœur des lucratifs laboratoires Cerballiance
Rédigé par Clicanoo

Si vous attendez le résultat d'une analyse réalisée dans un laboratoire Cerballiance, il est probable qu'elle arrive avec retard. Hier, les salariés du plateau technique du Port, au sein duquel passe une majorité des "tubes" des patients, étaient en grève. L'intersyndicale CGTR et FO annonce 100 % de gréviste dans les services "bactériologie" et "sang" du Port. À Sainte-Clotilde, un des deux autres plateaux techniques, une opération escargot dans le rendu des résultats étaient également organisés.

C'est à la demande des salariés que les syndicats ont organisé la grève. "On a jamais organisé un tel mouvement chez Cerballiance", rappelle Fabrice Malayandy, délégué syndical FO.

20 millions d'euros de dividende

Le mouvement intervient deux jours après l'échec des négociations annuelles obligatoires (NAO). Les représentants des salariés demandent 5 % d'augmentation alors que "la direction propose 2,5 % d'augmentation des salaires avec des tickets-restaurants réévalués de 50 centimes ou une simple augmentation de 3 %", résume Sandrine Lear, déléguée syndicale CGTR. L'an dernier, les salariés avaient obtenu 4,25% de revalorisation.

Parmi les arguments avancés par les syndicats, il y a l'augmentation du chiffre d'affaires de Cerballiance en 2023. Soit 38,6 millions d'euros, 15 % de mieux qu'en 2019, dernière année avant la pandémie.

Covid ou pas, Cerballiance témoigne d'une santé économique étincelante. Sous l'effet du Covid, son chiffre d'affaires a littéralement explosé passant de 33,7 millions d'euros en 2019 à 49 millions en 2022 avec un pic à 67,2 millions en 2021. Cette année-là, l'épidémie de Covid a généré un chiffre d'affaires de 29 millions d'euros seulement entamé par 7 millions d'euros de dépense dans les réactifs et 4 millions d'euros de charges de personnel liées à l'accroissement de l'activité. Particulièrement prolifique, l'année 2021 a ainsi permis de réaliser un bénéfice de 20,4 millions d'euros dont l'intégralité a été reversé à titre de dividendes aux associés. Chacun a donc pu encaisser 1 439 euros par action possédée. Le directeur général de l'époque Léornard Rizzi, devenu entre-temps président de Cerballiance, en possédait par exemple 426. Au-delà de ces résultats boostés artificiellement par le Covid, Cerballiance est une entreprise rentable. Elle a réalisé un bénéfice d'un peu plus de 5 millions d'euros en 2023. Et chaque année, elle a pour habitude de généreusement rémunéré ses actionnaires : 4 millions d'euros en 2018, 4,8 millions en 2019, 7,8 en 2020.

Surcharge de travail

Ce qui ne l'empêche pas de se montrer ferme avec les salariés. "Son seul argument, c'est de répondre que les charges patronales ont augmenté", déplore Sandrine Lear. Pour FO comme pour la CGTR, l'augmentation des salariés ne peut pas être inférieure à celle du Smic, soit 3,78 % depuis le début de l'année. Une des autres revendications des salariés concerne le sous-effectif. "La surcharge de travail et le mal-être des salariés ne peuvent être ignorés", rappellent les syndicats dans le courrier envoyé à leur direction. En 2022, une expertise "risque grave" avait montré une intensité croissante de la charge de travail avec une volonté de la direction de maintenir et de développer le sous-effectif. Ce rythme intense semble perdurer selon les termes de la Direction du travail qui a récemment mené une inspection. Il a été remonté au service de l’Etat des journées de 10 heures sans pose, des absences non remplacées augmentant la charge de travail, une augmentation significative de l'activité... "Dans le Sud, certains laboratoires sont fermés l'après-midi pour que les salariés renforcent les effectifs d'autres sites de Cerballiance", rapporte un salarié. De son côté, la Sécurité sociale a demandé à ce que soit menée une évaluation des risques psychosociaux en priorisant les sites les plus exposés. L'entreprise est présente sur toute l'île à travers 24 sites. Malgré nos tentatives, nous n'avons pu joindre la direction de Cerballiance, hier. 

Jean-Philippe Lutton

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